21 novembre 2024
« Les enfants reproduisent entre eux les violences sexistes »
Publié le 21 novembre 2024 par Amandine Le Blanc
Le 25 novembre, c’est la journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes. Des violences qui prennent des formes multiples et touchent des femmes dans tous les milieux et de tous âges. Des violences sur lesquelles il est important de faire de la prévention dès le plus jeune âge, pour permettre aux enfants et jeunes adultes de les identifier. En 2023, Lolita Rivé, institutrice, a créé le podcast, « C’est quoi l’amour, maîtresse ? » , tiré des séances d’éducation à la vie relationnelle affective et sexuelle (Evras) qu’elle a mis en place dans ses classes. Elle nous explique pourquoi il est important de parler d'aborder ces sujets-là au plus tôt.
Pourquoi aborder le sujet des violences dès l’enfance ?
Lolita Rivé : Les enfants sont confrontés à la violence depuis tout petit, que ce soit dans la famille ou entre eux à l’école. À l’école, ils vivent en société dans des espaces restreints qu’ils doivent partager. Il y a des conflits fréquents donc en tant qu’institutrice, je suis obligée de m’en préoccuper, de leur apprendre à régler les conflits sans se taper dessus.
Est-ce qu’ils les identifient comme des violences ?
L.R. : Ils ont déjà bien intégré qu’il y avait des violences « autorisées », celles que leurs parents exercent sur eux, et des « interdites », celles qu’ils peuvent exercer sur un camarade. Ils ne questionnent pas la violence reçue de la part des parents, mais cela ne veut pas dire qu’ils le vivent bien. Ils intègrent le fait que c’est autorisé, que personne ne dit rien et que c’est de leur faute. Pour autant, ils ignorent leurs droits. Et c’est important de les informer pour qu’ils comprennent qu’ils ne sont pas responsables, la résilience sera plus facile en grandissant.
La dimension sexiste et sexuelle de ces violences est aussi quelque chose qui les impacte ?
L.R. : Cela les touche de différentes manières. Lorsqu’il y a des violences conjugales, ils sont témoins, mais maintenant, on sait qu’ils sont aussi co-victimes de ces violences. Pour les violences sexuelles, ils sont largement victimes. Un enfant sur 10 en subit. Et concernant les violences sexistes, évidemment les enfants les reproduisent entre eux. Ils reproduisent l’éducation genrée où notamment, tout ce qui est assimilé au féminin n’est pas bien. L’éducation genrée est nuisible aux enfants, car il suffit que l’un d’entre eux ne corresponde pas à ce qu’on attend de lui pour être harcelé, exclu du groupe, moqué, etc. Et dès que les jeunes vont commencer à avoir des relations amoureuses, ils vont reproduire les mêmes violences sexistes et sexuelles existantes dans la société.
Les violences conjugales commencent dans les très jeunes couples adolescents. On y voit déjà des systèmes d’emprise, des violences physiques et psychologiques.
Lolita Rivé,
D’où l’importance de faire de la prévention notamment au travers de la mise en place des séances d’éducation à la vie relationnelle affective et sexuelle ?
L.R. : À partir du moment où nous n’avons pas une société égalitaire, basée sur le consentement et l’inclusion, cet enseignement est primordial. Pour la majorité des enfants, ce sont des sujets qui n’existent pas dans leurs familles, donc l’école reste l’endroit où on peut apporter une information qui soit la même pour tous et où faire cette prévention. On entend souvent : l’école, c’est pour apprendre le français et les maths. Mais comment veux-t-on apprendre à nos enfants à être bien dans leurs baskets et la société si on leur demande juste d’apprendre à lire et à écrire et qu’on les laisse se débrouiller pour tout le reste, avec les violences qu’ils vivent, les injustices qu’ils subissent ? La majorité des enfants ne vivent pas dans une bulle. Ils vivent dans la même société que nous, ils assistent aux mêmes choses. Cet enseignement est un peu un pansement, mais pour l’instant, c’est le plus efficace et le plus global.
Le Podcast de Lolita Rivé : C’est quoi l’amour, maîtresse ?
Et pourquoi est-il important de commencer le plus tôt possible ?
L.R. : Les personnes qui interviennent dans le secondaire arrivent avec leur programme et se rendent compte bien souvent qu’il manque toutes les bases. Les élèves ne savent pas ce qu’est le consentement, la différence entre le sexe et le genre, etc. Au collège et au lycée, certaines choses sont déjà très ancrées et c’est normal quand ça fait 15 ans que vous entendez quelque chose. C’est comme une langue étrangère, c’est plus difficile de l’apprendre à 15 ans, alors que si, depuis que vous êtes nés, on vous parle tous les jours avec ces mots-là, cela devient naturel. L’idée est que cet enseignement revienne à chaque âge. Le consentement, il faut en parler régulièrement. Ce n’est pas un enseignement classique, il faut être beaucoup plus horizontal, partir de ce que les enfants vivent, de leurs questions, se mettre à leur hauteur, écouter ce qu’ils ont à dire et les prendre au sérieux. Pour les adultes et notamment en tant que professeur cela demande de changer de posture.
Lolita Rivé interviendra le 21 novembre lors de la table ronde : « Violences sexistes et sexuelles : pour une éducation féministe des enfants et adolescent·e·s ! « , dans le cadre du festival Brisons le silence. 19h, amphithéâtre – ENS, 15 parvis René Descartes, Lyon 7e.
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