Le 8 octobre 2024
Vie affective des seniors : briser les tabous pour bien vieillir
Publié le 26 septembre 2024 par Amandine Le Blanc
Dans le cadre de la semaine bleue, plusieurs conférences sont consacrées à la vie affective et sexuelle des seniors. Un sujet encore tabou et pourtant essentiel du bien vieillir.
Chaque année la semaine bleue, c’est la semaine nationale des personnes âgées. Un événement partout en France pour valoriser la place de nos aînés dans la vie sociale, économique et culturelle, mais aussi pour changer de regard sur le vieillissement et s’informer sur les préoccupations et les difficultés rencontrées par les séniors.
Or, s’il est bien un sujet qui reste encore largement tabou pour la société, c’est celui de la vie intime des seniors. Mais bien souvent, c’est davantage une gêne pour les autres que pour les principaux intéressés. En effet, d’après le rapport vie affective, intime et sexuelle des personnes âgées de l’association des Petits frères des pauvres de 2022, 84 % des personnes âgées se déclarent à l’aise avec le sujet de la sexualité, mais plus d’une sur deux considèrent que le sujet est tabou pour la société. Pourtant, comme le rappelle l’Organisation mondiale de la santé (OMS), la santé sexuelle est aussi importante que la santé mentale et la santé physique. Le « bien vieillir » doit donc aussi englober cette dimension.
Parmi les événements organisés dans le cadre de la semaine bleue sur le territoire de la métropole, plusieurs conférences sont consacrées à la vie amoureuse et intime des seniors. Pour les animer, le Dr Céline Candillier, psychiatre et sexologue et fondatrice de la plateforme Always Valentines, qui informe et accompagne les seniors dans leur vie affective et sexuelle. Elle nous explique les freins et les enjeux qui entourent ce sujet.
La question de la vie affective et sexuelle des seniors est-elle encore taboue aujourd’hui et pourquoi ?
Dr Céline Candillier : C’est encore le cas. Lors de nos échanges, mes patients me disaient que jamais personne ne leur posait la question. Ce que conforte le rapport des Petits frères des pauvres. Sur le versant psychiatrique, j’avais des patients qui faisaient des épisodes dépressifs alors qu’ils n’avaient pas d’antécédents. Ils rencontraient des difficultés dans leur couple, sur l’adaptation à la retraite, leur vie intime, etc. Et comme ils ne pouvaient en parler à personne, il y avait une aggravation du problème.
Ce tabou sociétal est aussi familial. La famille censure pas mal le fait pour un senior de se remettre en couple, notamment quand il y a un veuvage. Certains seniors s’autocensurent du fait du poids sociétal et familial et cela peut générer des troubles psychiques.
Bien viellir, c’est donc aussi prendre en compte cette dimension de la vie affective et sexuelle chez les seniors ?
Dr. CC. Bien vieillir cela passe par l’acceptation et l’adaptation. Il faut accepter dans sa vie intime des modifications dues au vieillissement et on peut adapter ses relations intimes et les faire évoluer pour continuer à avoir une intimité satisfaisante tout en vieillissant.
Il n’est pas question de faire un prosélytisme de la vie sexuelle et intime des seniors, mais simplement de dire : si j’ai envie, j’ai le droit et je dois être en capacité d’avoir de l’information et d’être pris en charge correctement pour répondre à ce désir.
Dr Céline Candillier,
D’autant plus que la santé sexuelle est une question de santé globale. Elle a un impact non-négligeable sur la santé mentale et la santé physique. Dans le cadre de la prévention globale, on sait notamment aujourd’hui que la dysfonction érectile chez l’homme est le premier signe de nombreuses pathologies qu’on peut dépister : par exemple les maladies cardiovasculaires.
Pourtant, les personnes âgées restent largement exclues des campagnes de prévention en santé sexuelle ?
Dr. CC. Tout à fait. Alors qu’on constate un boom des infections sexuellement transmissibles chez les seniors. Différentes agences régionales de santé (ARS) font remonter des alertes, mais aucune campagne de prévention ne les cible. Un senior homme sur deux de plus de 55 ans, lors d’une première relation intime ne met pas de préservatifs. Et ils ne sont pas non plus dans une culture du dépistage. On voit que les cas de syphilis et gonocoques remontent en flèche chez les seniors. Or avec la syphilis par exemple, il y a un risque d’évolution vers la syphilis tertiaire qui crée une démence.
On ne s’adresse pas non plus aux seniors sur la question des violences conjugales et du consentement. Il y a pourtant matière. Les femmes de plus de 70 ans sont sorties des statistiques sur les violences conjugales alors même qu’elles représentent 20 % des victimes de féminicides et seulement 16% de la population.
Pour les personnes âgées en établissements, la question de la vie affective et sexuelle est aussi encore vue comme un problème aujourd’hui ?
Dr. CC. C’est effectivement un problème car les professionnels n’ont pas ou peu de formation. Lorsqu’on se retrouve avec un comportement inadapté, si on n’a pas été formé, on ne sait pas comment y répondre. Il peut aussi se présenter la question des comportements sexuels inadaptés pour les personnes qui ont des troubles neurocognitifs. Always Valentines est en cours de labellisation auprès de la chaire de santé sexuelle de l’Unesco qui a créé la charte ISA (la Charte des droits à l’Intimité, la Sexualité et l’Autonomie). Elle parle d’intimité au sens globale. La vie privée en établissement est encore difficile à mettre en place et complètement invalidée jusque très récemment. Par exemple, cela devrait être normal d’avoir la clé de sa chambre. Nous proposerons aux établissements la possibilité d’être labellisés par cette charte, sous couvert d’initier une formation de leur personnel.
Always Valentines
Créée en 2023, Always Valentine est une plateforme web où les personnes âgées peuvent retrouver gratuitement de l’information sur la vie affective et sexuelle au travers de conférences ou de blogs par exemple. Fondée par le Dr Céline Candillier, Always Valentines propose aussi des programmes de préparation à la vie amoureuse et intime. « Il y a plusieurs points de rupture pour les seniors : la retraite, la grand-parentalité, la maladie chronique, la séparation et le veuvage », explique le Dr Candillier. Always Valentines a pour l’instant mis en place un programme en cinq sessions sur la retraite et un autre sur la rencontre amoureuse. Sur les territoires, Always Valentines, donne aussi des conférences. Pour l’étape d’après, l’objectif est de former des seniors sur tous ces sujets pour qu’ils deviennent pairs aidants*.
*Un individu qui s’appuie sur son expérience personnelle pour apporter son aide sur des situations qu’il connaît, auprès d’un groupe, d’une communauté à laquelle il appartient.
Dans le cadre de la semaine bleue :
⇒ Vendredi 27 septembre, de 14h15 à 16h
Aimer jusqu’au bout de la vie : amour et sexualité des séniors, les freins et tabous.
Espace associatif Simone André
100, rue Boileau, 69006 Lyon
Entrée libre
⇒ Vendredi 4 octobre, de 10h à 12h
Conférence sur la vie amoureuse et intime des seniors, de l’acceptation à l’adaptation.
Mairie du 1er, 2 place Sathonay, 69001 Lyon.
Entrée libre
⇒ Mardi 1er octobre, 14h30 à 16h
Rencontres amoureuses : La résidence autonomie Ambroise Croizat organise des rencontres en mode « speed dating » pour les vaudaises et vaudais de plus de 60 ans.
Résidence Ambroise Croizat
88 chemin du Gabugy, 69120 Vaulx-en-Velin
> Inscriptions au 04 72 04 78 40 ou service.retraites@mairie-vaulxenvelin.fr
Et plus de 130 autres événements sur tout le territoire de la métropole de Lyon du 30 septembre au 6 octobre. Retrouvez tout le programme de la semaine bleue.
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