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« Les stéréotypes ont développé encore davantage mon aspect combatif »

Ma ville au quotidien

Publié le 4 mars 2024 par Amandine Le Blanc

À 34 ans, Anaëlle Angerville est dans sa dernière année de boxe professionnelle. Après plus de dix ans de carrière, celle qui s’entraîne auprès de Dominique Poulet au Boxing club vaudais et au Lions Thaïs, s’est forgée un beau palmarès en multiboxes. Avec 82 combats, elle a notamment été deux fois championne du monde en boxe thaï, vainqueure d’une coupe du monde en K1 ou championne de France pro en boxe anglaise.

Arrivée à Lyon en 2012, après avoir grandi en Picardie, elle a aussi travaillé pendant dix ans dans la police municipale, à Décines-Charpieu notamment, et depuis quatre ans elle est éducatrice sportive pour la fondation AJD Maurice Gounon. Elle fait partie d’une équipe mobile santé bien être aux côtés d’une infirmière et d’une psychologue où elle intervient auprès d’enfants et d’adolescents placés.

Jeudi 7 mars, dans le cadre des Journées de l’égalité organisées par la Métropole de Lyon, elle participe à la conférence « Qu’est-ce qu’être une femme dans le sport ? ».

Une question, qui, de son propre aveu, elle ne s’est pas toujours posée. En amont de son intervention, on a discuté avec la championne pour parler carrière, stéréotypes et représentation. Rencontre.

En 2023, Anaëlle Angerville a pris part au défilé de la Biennale de la danse.
Comment êtes-vous arrivée à la pratique de la boxe ?

Anaëlle Angerville : J’ai toujours pratiqué du sport depuis petite. J’ai fait du judo ou du football notamment. Et à l’âge de 20 ans, au moment où je suis entrée dans la police municipale, j’ai décidé de m’investir dans un sport plutôt individuel. J’étais attirée par les sports de combat. J’avais envie de me mettre dans un univers avec ce type de confrontations. Et j’ai tout de suite accroché. Rien que le fait de juste taper dans un sac de boxe, ça fait déjà du bien (rires). C’est un sport dur qui demande beaucoup de rigueur, surtout à haut niveau. C’est particulier de se mettre en opposition face à quelqu’un qui ne t’a rien fait. Cela demande un travail psychologique important, particulièrement en compétition, car nous prenons des risques importants. Je crois que cette notion de risque je l’ai toujours eu et j’ai réellement pu l’exprimer à fond depuis que je fais de la boxe.

Qu’est-ce que l’état d’esprit appliqué au sport vous a apporté dans la vie ?

A.A. J’avais déjà un côté combattif que j’ai forcément développé avec la boxe. Je suis une personne qui absorbe beaucoup de choses au quotidien dans ma vie et la boxe a joué un rôle de soupape de sécurité et d’être toujours bien mentalement, toujours lucide, notamment dans mon métier de policière. C’est mon moyen d’expression, il m’a permis de garder dans mon travail une certaine neutralité, une confiance en moi, une réactivité pour prendre des décisions rapides et à extérioriser. La boxe m’aide à me construire et à accepter les épreuves qui se mettent devant moi dans ma vie. Je prends la vie comme un combat avec plusieurs rounds : parfois on gagne, parfois on perd. Quoiqu’il arrive ce n’est jamais fini, on donne tout jusqu’au bout. Dans mon parcours sportif, j’ai fait de mes défaites une force.

Peu importe ce qu’on peut penser, j’ai tout autant le droit de pratiquer un sport comme celui-ci.

Vous intervenez dans le cadre d’une conférence Qu’est-ce qu’être une femme dans le sport, autour d’une semaine pour combattre les stéréotypes de genre. Au cours de votre carrière, avez-vous été confrontée à ces stéréotypes ?

A.A. Avant de me lancer dans la boxe, j’ai toujours été attirée par des sports à majorité « masculins ». Mais de par mon tempérament, je n’ai jamais fait de ça une fin en soi. J’ai toujours réussi à imposer ma présence et mes idées là où j’allais. Mais j’ai bien conscience que ce n’est pas donné à tout le monde. Les stéréotypes, partout où je passais, m’ont donné envie de développer encore plus mon aspect combatif pour montrer que j’étais là. Peu importe ce qu’on peut en penser, j’ai tout autant le droit de pratiquer un sport comme celui-ci.
J’ai aussi eu un entraîneur qui m’a beaucoup protégée. C’est un des premiers à Lyon qui entraînait des femmes. Pour lui, ce n’était même pas une question, si une femme veut boxer, elle vient. En tant qu’éducateur, il a toujours fait boxer les filles et les garçons et fait des entraînements mixtes. Il m’a protégée des réflexions qui finalement, étaient souvent reçues par lui et pas moi directement. Une fois, un organisateur de combat lorsque mon entraîneur lui a donné le montant de ma prime lui a répondu : je ne vais pas la payer comme un mec. Cela montre le niveau de considération de certaines personnes. Heureusement, ça change. Aujourd’hui nous avons des galas avec uniquement des combats féminins, ça n’existait pas quand j’ai commencé. Certains clubs évoluent dans leur mentalité, d’autres évoluent avec l’image, davantage pour le business. Mais nous ne sommes pas dupes.

Pour vous, être une femme dans le sport et en particulier dans la boxe, est-ce que cela a une résonance particulière ?

A.A. Au début, je n’en m’étais pas rendu compte. Je faisais mon truc pour moi. Je ne prêtais pas forcément attention au fait d’être une femme dans un sport dit masculin. J’ai réalisé quand j’ai rencontré des jeunes filles qui se déplaçaient pour venir me voir ou m’écrivaient sur les réseaux sociaux. Je me suis dit : pourquoi moi et j’ai commencé à penser que j’avais peut-être une mission qui m’attendait pour développer cette image de combativité de la femme et ouvrir le champ des possibles. Beaucoup de femmes n’ont pas confiance en elles dans la vie de tous les jours, ma façon de faire n’est pas forcément évidente pour tout le monde. Nous avons toutes nos tempéraments, nos histoires de vies, et pour certaines, il est compliqué de sortir d’un système très ancré, très patriarcal. Je me suis donnée pour mission d’aller du mieux que je pouvais vers ces personnes-là.

J’ai compris aujourd’hui l’importance d’aller en avant

Prendre part à une conférence comme celle de jeudi, participer à des événements comme le défilé de Biennale de la danse ou d’autres dans la métropole comme vous l’avez fait cette année, est-ce que cela participe à ce travail de représentation ?

A.A. Pendant ma carrière, il y a plein d’événements auxquels je n’ai pas pu participer et pour moi, c’est important. J’ai pris conscience que je pouvais être porte-drapeau pour une cause, celle du sport féminin, des sports de combat. Avant, je boxais sans prendre conscience que j’étais athlète de haut niveau, puis j’ai réalisé qu’on me regardait. Je prends plaisir à faire de nouvelles rencontres à chaque fois. Je me nourris de ça. J’aime partager ma passion et c’est important de le faire. J’ai compris aujourd’hui l’importance d’aller en avant, de rencontrer les plus petites comme les plus grandes, sans distinction de capacités physiques ou mentales. Parce que la boxe peut s’adapter à toutes les personnes en fonction de leurs envies.

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